CAMILLE- Frédéric Arenzueque- Arrieta. Editions Moires- 2018

Publié le par Lydie Bla

 

Comment  défendre toute la puissance d’un texte, comment témoigner des rives grandioses, ombrageuses et insondables qu’il visite sans en dévoiler la fin, alors que c’est cette même et seule fin, qui révèle au lecteur toutes les perspectives de l’exercice périlleux auquel s’est livré Frédéric Aranzueque-Arrieta tout au long de  307 pages ?

Un texte au cours duquel, le narrateur s’évertuera à décrire la lente, mais inexorable descente de Camille vers des abysses broussailleux et insondables, le-la conduisant à faire la une d’un fait divers sanglant. 293 pages ( moins les 307 pages) au cours desquelles, le narrateur écrivain, ami d’enfance de Camille tente de donner à l’opinion publique, au travers de ce qu’il espère être un Best-Seller (accessoirement aussi pour sa propre renommée d'écrivain), une cartographie complète des ferments qui ont conduit Camille à commettre l’irréparable. Le narrateur espère ainsi grâce à son texte peser sur les jurés qui jugeront Camille.

Le parti-pris du narrateur esquisse un portrait de Camille qu'il veut sans concessions, sans compromissions. Relater les faits ayant émaillé et impacté le cours de la vie de Camille, des faits qu’il habille de leur vérité nue, d’une dureté indicible et impitoyable, conduisant au fil du texte, le lecteur à entrer dans le cercle infernal de la violence pure des cercles familiaux et sociétaux qui broient gratuitement les êtres avant de les jeter, de les stigmatiser pour en faire des « déchets » contraints à vivre en périphérie de l’existence. Au fil des pages, le lecteur s’imprègne progressivement de toutes les équations cruelles qui ont conduit Camille à s’abstraire d’une vie en surface- d’une vie tout court- construisant ses propres blocs destinés à survivre dans des labyrinthes souterrains putrides et marginaux. L'on comprend que Camille n'a rien fait d'autre que continuer de vivre en dépit de tout, à l'instar d'autres victimes des abysses de notre humanité. 

Comment défendre ce texte sans évoquer l’un des termes de sa préface écrite par Fernando Arrabal : «  Comme le pressent Nietzsche, l’art est là pour nous empêcher de comprendre que la vérité est laide. Comment ne pas être séduit par Camille, roman panique ? Un auteur joue à être Dieu, et parfois il réussit. » ?  

 

   

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